Eglise Saint Hilarion Duravel crypte 46700
Tous les regards, se portent vers cet escalier qui descend, pour nous conduire dans un espace, celui qui est dédié au culte de la mort, celui de l'au-delà. L'étymologie du mot crypte (cacher) indique bien sa signification. Sombre et humide, elle est reliée au mystère de la mort et de la résurrection, on peut sans le savoir, ressentir l'expression de toute sa symbolique à travers sa propre conscience qui sera celle du moment et de son propre état mental.
Crypte autel
Descendre ces marches, c'est déjà, vouloir comprendre l'importance du message que le constructeur a voulu nous laisser. L'obscurité, le silence du lieu prête à croire à l'importance du langage de l'art à travers la lumière, la forme et la matière mais dans la réalité il en est tout autre. Nos ancêtres voyaient l'esprit des choses, ils savaient montrer l'aspect émotionnel pour nous emmener à considérer que Dieu est à l'intérieur de soi et que la seule lumière vient de notre coeur.
Nous savons tous que notre mental oriente nos pensées vers l'extérieur de soi-même, alors essayons d'utiliser notre conscience, celle qui nous mène vers notre jardin intérieur, la voie de la connaissance, la voie du coeur pour aborder cette visite de façon symbolique. Elle en sera d'autant plus riche qu'elle vous guidera en fonction de vos émotions pour vous faire découvrir votre propre cheminement intérieur.
Crypte côté lunaire Crypte escalier côté lunaire
Dans sa généralité, la crypte se présente comme un rectangle, avec en fond "l'acrosolium", elle mesure dans les deux dimensions quatre mètres cinquante par quatre mètres cinquante. Le bâtisseur l'a creusée, l'a enracinée, et c'est de là que se nourrissent les racines de notre humanité, à travers des forces invisibles, bien présentes. Elles furent représentées sur les hauts et bas de colonnes, elles sont là pour nous montrer toutes les indications énergétiques et symboliques et pour nous faire suivre notre propre chemin de lumière. La crypte possédait à l'origine deux escaliers permettant aux nombreux pèlerins qui venaient implorer l'assistance des saints, de descendre processionnellement par l'un qui est solaire puisque il se situe au sud et pour remonter par l'autre, qui lui est lunaire puisque il est positionné sur le côté nord.C'était le chemin des pèlerins, celui de la renaissance, celui de la course du soleil de gauche à droite pour en ressortir par la porte lunaire. D'une manière plus symbolique, il tournait dans le sens solaire, celui des énergies naturelles pour accomplir sa renaissance, et, inversement, à l'opposé du sens solaire, il aurait fait la démarche de retourner à ses origines. Plus tard, le percement de l'escalier central certainement aménagé lorsque les reliques furent remontées. Des fûts de colonnes, en pierre, aux nombres de quatorze viennent en complément des chapiteaux soutenir la voûte de la crypte. Dans cette ombre romane, le calme ancien ne suffisait pas, on apporta évidemment la lumière immuable des cierges pour que notre regard se porte vers l'autel, où convergent toutes les énergies afin de transcender les pélerins devant les reliques d'hilarion, Agathon et Poemon.
Saint Hilarion mort en 372 Saint Agathon mort en 370 Saint Poemon mort en 450
Si le constructeur était le maitre absolu, il fallait recourir à certaines conditions. Le choix du lieu n'était jamais découvert, mais simplement reconnu par lui. Si le temps n'existait pas, nos bâtisseurs, maîtres absolus, issus du compagnonnage restaient dans l'anonymat pour nous livrer tout au fond de l'obscurité un message d'espoir de la vie après la mort. C'était savoir transmettre la notion du changement d'état et regarder le message autrement afin d'agir avec le coeur, pour aborder l'au-delà. Le constructeur de Duravel possédait de par son savoir la géométrie et par le sacerdoce la symbolique, si le symbole joue le rôle d'une structure mentale, ce lieu nous donne les alignements et les principes des énergies nécessaires à l'animation du lieu "sacré". On peut dire aujourd'hui qu'il est possible non seulement de comprendre le lieu, mais il est aussi possible d'en restituer le circuit initiatique. La crypte est par excellence, le lien entre le monde visible et le monde invisible, elle est orientée comme un grand nombre de construction privilégiant l'axe équinoxial (est/ouest), qui représente la relation entre l'ordre terrestre et l'ordre cosmique, l'ordre humain et l'ordre divin.Si l'orientation fait partie des grands fondamentaux, il fallait harmoniser les énergies de la terre (réseaux aquifères) et les énergies du ciel (réseau cosmique) avec la course du soleil.
Quadrilatère solsticial
Dans la tradition chrétienne, l'eau revêt un caractère important. L'eau est l'énergie de la terre, elle est la jonction des deux qui donnera la vie. L'eau représente le passage d'un monde à l'autre, dans l'au-delà. D'une manière plus symbolique l'eau est l'élément qui transforme, qui purifie, qui bénit. Compte tenu de ces propriétés on comprend mieux pourquoi les anciens l'ont souvent sacralisée là où elle surgit de la terre, et que le choix de cet emplacement n'était pas dû au hasard.
Plan aquifère
Dans le silence de notre chère Terre, il y en a un autre qui est là! Invisible, inodore elle serpente les sous sols la "vouivre". Cette énergie venant de sous terre a été diabolisée ou reconvertie par l'église, ces phénomènes font référence à la nature infernale, aux serpents et aux personnages de la bible ayant combattu les dragons.Dans la réalité, ces courants telluriques sont des flux éthériques certainement liés à des mouvements de convections causés par la rotation de la terre, qui de par son coeur en fusion vient former un courant tellurique qui généralement suit de façon naturelle les cavités, les rivières, les veines d'eau ainsi que certaines couches de l'écorce terrestre.
Pour aborder cette étude, il est nécessaire de savoir que le symbolisme roman est construit sur un mode de pensée et d'opposé, le bien et le mal, le visible et l'invisible, le matériel et l'immatériel, tout peut engendrer un symbole. Plus précisément, chaque objet devient la figuration d'une chose concernant le mystère de la foi, et c'est ainsi que l'imaginaire devient réalité. C'est dans ce décor sculpté que nous allons retenir toute notre attention, que l'on peut classer en deux groupes, celui des énergies telluriques et des énergies cosmiques. Ils sont là pour nous indiquer la notion de changement d'état, interprétons et regardons ces messages avec la raison et le coeur pour mieux les comprendre. Un chapiteaux se lit sur trois niveaux d'ouverture d'esprit.
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Le parlant, le descriptif, lecture simple.
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Le signifiant, jeu de symboles suivant son stade d'entendement.
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Le cachant, lecture sacrée du message, prise de conscience.
Chapiteau 5 haut Chapiteau 5 bas
Ces symboles ne sont pas une réponse en soit, mais ils vont nous révéler un cheminement. Si le corps est le véhicule de l'âme au service de l'esprit, les premiers pas dans l'église devront être vécus avec émotions pour prétendre alimenter eux aussi notre âme. Si nous nous obstinons dans notre mental, nous passerons à côté d'une partie de la réalité en prônant la valeur universel des sculptures sachant que celle-ci n'existe pas. S'ils représentent le corps, l'âme et l'esprit ils ne sont pas là, par fantaisie ou lubie d'artiste, ils sont là pour nous ouvrir notre conscience d'homme.
Chapiteau 5 bas (Le parlant). La vouivre est représentée sous la forme d'un mouvement ondulatoire qui comporte trois enroulements, de sa bouche, elle semble cracher de l'énergie.
Chapiteau 5 bas (Le signifiant). La vouivre représente les courants d'énergies telluriques qui innervent la Terre considérée comme vivante. La manifestation des énergies de la vouivre est équilibrée par les énergies cosmiques. C'est pour celà qu'elle est associée au paon qui est un symbole solaire.
Chapiteau 5 bas (Le cachant). Elle est la représentation même des énergies pour nous rappeler sa force, sa façon de se transformer.
Chapiteau 5 haut (Le parlant). La paon, symbole paloéchrétien. Au moyen âge on croyait qu'il était imputrescible, c'est pour cette raison qu'il est devenu un symbole d'immortalité. Son bec se termine en forme de spirale.
Chapiteau 5 haut (Le signifiant). Le paon, symbole solaire de l'immortalité, de la résurrection. Il est aussi le symbole de la beauté et du pouvoir de transmutation, car la beauté de son plumage est produite par la transmutation spontanée des venins qu'il absorbe en détruisant les serpents (symbole du Christ rachetant le péché originel par sa mort et sa résurrection). Son bec en forme de spirale, indique les énergies d'évolution tournant de la droite vers la gauche pour permettre l'évolution. Symboliquement, il tire les énergies telluriques.
Chapiteau 5 haut (Le cachant). Il est là pour nous rappeler le passage à un autre état celui du monde visible au monde invisible, et que la transmutation peut être spontanée.
Chapiteau 10 haut Chapiteau 7 haut
Dans le centre de la crypte se trouvent quatre colonnes, chacune, posées sur un socle identique dont la base de pierre est carrée. Le pied des fûts délimités par deux astragales intègre parfaitement la base, que l'on pourrait assimiler au système racinaire d'un arbre, peut être pour nous faire comprendre son ancrage ainsi que sa force à travers son enracinement. Au-dessus de la base, le fût s'élève pour soutenir celui qui repose sur l'astragale, le chapiteau. L'ensemble représente des feuilles d'acanthe dans leurs divers états, partant d'une simple feuille ouverte à la représentation de plusieurs feuilles comme une multiplication ou duplication. Les chapiteaux n°7 et 9 possèdent dans leurs angles des voulutes représentatives d'un état d'énergie. Du n° 7 a jailli de la matière des feuilles, elle s'est dépliée, ouverte symbole d'évolution et de maturation. Comme l'esprit qui s'interroge, se questionne, s'ouvre, se métamorphose. D'une graine en,terre, naît une plante. Elle grandit, fleurit et produit des fruits. Dans le jardin d'Eden, la nature y était luxuriante, généreuse. C'est le cycle de la vie, de la mort. Dans la représentation de ces chapiteaux aux feuilles d'acanthe, la nature exprime un au-delà, lieu paradisiaque où séjourne l'âme du défunt.
Le pèlerin descendait l'escalier aux marches étroites et abruptes guidé à la lueur d'une bougie pour pénétrer le monde de l'au-delà, celui des trois saints, Hilarion, Poemon et Agathon.
Sarcophage des trois saints
Saint Hilarion abbé à Gaza mort en 372:
Issu d'une famille aisée, ses parents l'envoyèrent faire des études à Alexandrie en Egypte. Baptisé vers l'âge de 15 ans, il partit rejoindre Saint Antoine dans le désert, il resta à ses côtés trois mois et décida de se faire ermite à son tour à Naiouma près de Gazza. Ses parents étant décédés, il partagea ses biens entre ses frères et les pauvres et parti en solitaire. Il fonda à Gazza la vie érémitique. Une nouvelle organisation y prend corps "Les Laures".
Les ermites installent leurs habitations individuelles le long d'une avenue (Laura en Grec) qui conduit à l'église ou à un oratoire où ils se retrouvent plusieurs fois par semaine. De plus, ils se soumettent à la direction spirituelle d'un Abbé tout en gardant leur indépendance de mouvement. Le système des Laures eut du succès et se développa grâce Saint Chariton dans le désert de Judée et sur le territoire qui va de la Mer Rouge à Nirnive. C'est la préfiguration, en fait de la vie érémétique groupée, plus tard instututionnalisée par les Chartreux. A Gazza, Hilarion vécut dans la plus totale austérité, ne changeant de tunique que seulement si celle-ci tombait en lambeaux, ne mangeant que quelques figues et lentilles. Sa seule lecture était les Saintes Ecritures. A l'instar de Saint Antoine, son maître, il triompha de nombreuses tentations. Il accueillait tous les malades qui venaient à lui, chassait les démons et guérissait la cécité, des chevaux fous, tous les fidéles se joignaient à lui. Des admirateurs le poursuivent tant est grand son rayonnement, il entame une grève de la faim et fuit avec quarante moines allant d'Alexandrie, Libye, Sicile; Dolmatie pour se fixer à Chypre. Hilarion avait eu une vision où sa mort lui était annoncée. Il s'étendit et s'écria: "Sors mon âme, sors de ton corps, brise les derniers liens. Pourquoi tarder encore, il y a bientôt soixante ans que tu sers le Christ. Peux-tu craindre la mort!"
Dix jours plus tard, son corps fut ramené secrètement à Gazza, son premier monastère par Saint Hésyschios. Sa vie fut décrite par Saint Jérôme. Il se fête le 21 Octobre.
Saint Agathon (qui veut dire bon en français ) ermite au désert de Scété en Egypte mort en 370:
Ouadi Natroum connu sous le nom de désert de Scété dans l'histoire Chrétienne, est une vallée aride dans le désert occidental de l'Egypte à environ 75 kms au Nord-Ouest du Caire et 80 kms au Sud-Est d'Alexandrie. Durant l'époque pharaonique, cette région était considérée comme sacrée en raison du Natron, composé naturel de carbonate de sodium, bicarbonate, sulfate de sodium et chlore ayant des propriétés absorbante et antiseptique, qui s'y trouvait en abondance, et qui était essentiel aux cérémonies de purification et à la conservation des momies. La très grande consommation de ce produit nécessitait de fréquentes visites et le lieu devint vite un sanctuaire.
Connu sous le nom de Désert de Scété durant l'ère chrétienne, le Ouadi Natroum abrita Saint Macaire Le Grand qui s'y retira en 330. Sa présence attira de nombreux croyants puis peu à peu des églises et des hospices pour les pèlerins furent construits ainsi que des monastères pour les religieux. Dès les premiers siècles de notre ère, le Ouadi Natroum servit de refuge aux chrétiens d'Egypte brimés par les autorités de Byzance puis par le pouvoir musulman de Caire. Ayant souvent recours à l'exil pour pouvoir préserver leur foi, les coptes (habitants chrétiens d'Egypte) y vivaient d'abord en ermite avant de s'organiser en communautés. C'est ainsi que près de cinquante monastères y ont été établis au IV siècle. De nos jours, il n'en reste que quatre toujours habités par des moines.
Agathon de l'Egypte était un contemporain de Saint Macaire Le Grand, il vécut en ermite dans ce désert de Scété.Il fut surnommé "Le Silentiaire" parce qu'il garda pendant 3 ans un caillou dans sa bouche pour éviter de parler. Ensuite, il se distingua par sa grande douceur, ses sermonts toujours très sages, sa grande humilité. Il se fête le 2 Mars.
Saint Poemon Abbé de Diolcos (ile semi deserte du Delta du Nil en Egypte ) mort en 450.
Un des pères du désert Egyptien. Propablement originaire d'Egypte, il se retira avec plusieurs de ses frères dans une île se mi déserte du Delta du Nil. Après des attaques de Berbères en 408 ils fuient et s'installent dans les ruines du temple païens à Terenuthis. Poemon fut abbé de la communauté. Il était doté de grandes vertus, humilité, bonté et sagesse. La note caractéristique de la fin des solitaires est la sérénité. Ils meurent comme ils ont vécu.
Sources: La vie des Saints Pères du Désert et de quelques Saintes Solitaires d'Orient (Joseph François Bourgoing de Villefore 1714)
Notes: Ces Saints Reliques Egyptiens certainement momifiés car encore relativement en bon état furent offerts à l'abbaye de Moissac par Charlemagne. L'abbaye de Moissac les transféra à Duravel en l'an 1095, Elles se trouvaient probablement dans la crypte. Actuellement, elles se situent dans un sarcophage derrière le maître autel. Une ostentation se déroule le 21 Octobre tous les cinq ans, la dernière a eu lieu en 2010. Elles sont alors visibles dans le sarcophage vitré.